FUKUSHIMA Tremblements & Stupeur
Expiré
FUKUSHIMA
TREMBLEMENTS & STUPEUR
Le 11/3, c’est ainsi que les Japonais appellent désormais la catastrophe de Fukushima, ce nom qu’ils ne veulent plus entendre. C’est le 11 mars 2011 à 14 heures 46 min 23 sec, heure locale, que le Japon a vécu son plus terrible tremblement de terre de magnitude 9 sur l’échelle de Richter. Ce tremblement de terre qui va déjà endommager la centrale nucléaire de Fukushima Dai-Ishi provoque un tsunami avec une vague haute de plus de 30 mètres à certains endroits qui va ravager 600 km de côte, pénétrant jusqu’à 10 kilomètres à l’intérieur des terres. Ce tsunami a provoqué la plus grande catastrophe nucléaire civile de tous les temps. Plus grave que Tchernobyl, elle sera classée 7 sur l’échelle de INES.
La centrale de Fukushima Dai-Ishi se retrouve au cœur du désastre, privée d’électricité, il n’y a plus de refroidissement des cœurs de réacteur. Le cœur des réacteurs 1, 2 et 3 fondent et le corium perce les cuves de protection, tous les produits radioactifs volatils s’échappent. La population est d’abord évacuée sur 10 km, puis le lendemain sur 30 km. Les enseignements de Tchernobyl n’ont servi à rien. Il ne faut pas paniquer la population.
La mentalité japonaise fait qu’un tel accident était impossible, donc rien n’est prévu, les employés comme les cadres ne prennent pas les bonnes décisions parce qu’ils ne sont pas informés de ce qu’ils doivent faire. Plusieurs bâtiments explosent dans les jours suivants. La radioactivité se répand dans l’air et dans l’eau qui se déverse dans l’océan Pacifique régulièrement. Chaque semaine de nouveaux problèmes techniques, de nouvelles fuites montrent que rien n’est maitrisé.
Aujourd’hui, 10 ans après, il y a une très forte contamination des sols, des plantes, du riz, des animaux, au sol comme dans l’océan Pacifique, même en Californie les thons sont contaminés. Normal, on trouve encore de l’iode 131 radioactif dans les boues d’épuration alors que sa période de vie est de 8 jours. Il aurait dû disparaître après 10 semaines.
A présent, afin que l’Etat cesse de payer des compensations, les populations déplacées doivent revenir vivre sur des terres fortement contaminées. Des milliers de cancers de la thyroïde sont détectés chez les enfants, enfin reconnus par les autorités.
Le Japon a dû fermer tous ses réacteurs nucléaires dont un certain nombre ne seront jamais remis en fonction. Toutefois, il a été décidé de redémarrer le réacteur n°1 de la centrale de Sendai le jour anniversaire de Hiroshima en août 2015. Le n°2 a été redémarré le 15 octobre 2015, d’autres ont suivi, 9 ont redémarré à ce jour.
Préface de Corinne LEPAGE
L’ouvrage de Jean-Michel Jacquemin-Raffestin arrive à point nommé. En effet, le lourd silence est retombé sur Fukushima peut-être plus encore qu’il n’enveloppe Tchernobyl. Peut-être parce que les retombées radioactives ont paru moindres dans le cas de Fukushima que dans celui de Tchernobyl, que la pollution des océans ne se voit pas et que le nuage à l’évidence été plus modeste que celui de son prédécesseur.
Il n’en demeure pas moins que les mêmes causes produisent les mêmes effets et que le lobby nucléaire à œuvrer pour Fukushima comme il l’avait fait pour Tchernobyl en organisant le silence et surtout l’absence d’études sérieuses et contradictoires sur l’impact réel en terme sanitaire et environnemental de la catastrophe. Alors que 30 ans nous séparent de l’explosion de Tchernobyl, il n’y a toujours aucun consensus sur l’étendue de la catastrophe sanitaire, entre les 20 morts reconnus par certains dont le professeur Tubiana et les centaines de milliers de morts évoqués par des études sur les liquidateurs. Au-delà des morts, les victimes physiques et psychiques se comptent, elles, en millions comme l’a reconnu l’ancien secrétaire général des Nations unies. En fait, tout a été organisé pour permettre « la méconnaissance scientifique », ce qui permet aux défenseurs du nucléaire de continuer à soutenir qu’il s’agit d’une énergie sans danger.
Pourtant, dans le même temps, la première cartographie mondiale du taux de radioactivité naturelle et artificielle supportée par les habitants des différents pays du monde a été rendue publique. Elle met en évidence l’excès de radioactivité en France, en Russie et sur la côte est des États-Unis. Cet été, le centre international de recherche sur le cancer , dans une étude publiée le 21 juin dans la revue The Lancet Haematology, montre que l’exposition prolongée à de faibles doses de radioactivité accroît le risque de décès par leucémie chez les travailleurs du nucléaire. Malheureusement, nous ne disposons d’aucune étude correspondante et reconnue par la communauté scientifique nucléaire sur les populations vivant au voisinage de Tchernobyl et de Fukushima. Pourtant, les enfants d’aujourd’hui d’Ivankov, premier bourg situé au-delà de la zone interdite de Tchernobyl dans leur immense majorité considérés comme des victimes de Tchernobyl.
En s’attaquant sans aucun tabou à ce sujet majeur, qu’il avait déjà traité à propos de l’impact du nuage de Tchernobyl sur la France, Jean-Michel Jacquemin-Raffestin fait un travail indispensable pour que la vérité sur les conséquences des accidents nucléaires soit connue. Car les victimes le sont doublement : d’une part, dans leur chair, d’autre part dans le refus qui leur est fait de les considérer comme des victimes.
Il est essentiel que le débat puisse être enfin ouvert sur les conséquences sanitaires de Fukushima et poursuivi sur celles de Tchernobyl sans parler de Kychtym en 1957dans le complexe nucléaire Mayak A l’heure où le monde s’interroge sur ses choix énergétiques pour sortir de l’économie carbonée et où le lobby nucléaire essaye de peser pour inclure l’énergie nucléaire dans les énergies des carbonées qui seraient assimilables à des énergies renouvelables, ce qui est évidemment tout à fait faux, il est indispensable de rappeler les conséquences sanitaires liées aux accidents nucléaires et par voie de conséquence les risques insupportables auquel cette énergie expose les humains pour des générations et des générations.
Corinne LEPAGE